Le voyage par procuration –
Né dans la région la plus verte du Sénégal, Raoul Coly y a travaillé comme Guide, avant de s’installer comme chef cuisinier en France. Il s’y rend habituellement à la fin de la saison des pluies, en novembre, pour retrouver les odeurs et les saveurs de son enfance. Et espère que cette année ne fera pas exception
Depuis le grand ferry parti de Dakar, on aperçoit enfin l’île de Karabane, à l’embouchure du fleuve Casamance qui irrigue toute la région du même nom, dans le sud-ouest du Sénégal. Le spectacle peut commencer. En rideau de fond, les mangroves à palétuviers dont les hautes racines semblent de longs doigts grêlés plongés dans l’eau. Et, sur cette immense toile bleu-vert, un ballet de pélicans blancs, de pirogues de pêcheurs, et parfois un banc de dauphins qui s’amusent à suivre les voyageurs dans le large lit du fleuve. « C’est tellement grandiose que je fais encore souvent le trajet en ferry, douze heures sur l’eau depuis Dakar, alors que je n’ai pas du tout le pied marin ! », dit en rigolant Raoul Coly.
« C’est un territoire qui attire les visiteurs, mais ni les paysages ni les gens n’ont été gâtés par le tourisme de masse. »
Epaules larges, un sourire en permanence accroché aux lèvres, ce gaillard de 50 ans connaît parfaitement la région. Et pour cause, il est né à Ziguinchor, la ville la plus peuplée de Casamance, puis a sillonné comme guide touristique pendant six ans, à la fin des années 1990, ce bout de terre bordé par la Gambie, la Guinée-Bissau et la Guinée.
En 2000, il rejoint l’amour en France, puis crée un restaurant à Puteaux, O Petit Club Africain. C’est d’ailleurs à deux pas de l’établissement, dans son appartement de la ville des Hauts-de-Seine, qu’il est confiné, quand il ne prépare pas du poulet yassa ou des thiebs à emporter.
Mais le grand voyageur n’a jamais vraiment coupé le cordon avec l’Afrique. Depuis 2016, pour une émission culinaire de Canal+, il a multiplié les allers-retours sur le continent : Cameroun, Togo, Mali, Côte d’Ivoire, Guinée, Rwanda, ou encore Madagascar… Ce Diola, l’ethnie majoritaire en Casamance, est surtout resté viscéralement fidèle à sa terre natale, une région verte, parfois présentée comme « le grenier du Sénégal ».
« C’est un territoire qui attire les visiteurs, mais ni les paysages ni les gens n’ont été gâtés par le tourisme de masse. J’y retourne au moins une fois par an, souvent en novembre à la fin de la saison des pluies, parfois en février lorsque les villages fêtent la fin des récoltes. Ces fêtes n’ont rien de folklorique : les médecins, les enseignants, bref tout le monde se retrouve pour ces célébrations. C’est surtout l’occasion de voir à quel point nos traditions animistes sont riches : d’un village à l’autre, les danses, les chants, et même les instruments de musique peuvent varier. Ici on trouvera le « burgarabu », un tambour au son sourd, un peu plus loin ce sera le « bombolong », un simple tronc d’arbre creusé sur lequel on tape avec des bâtons… »
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