A Montréal, les 196 Etats à la Convention sur la diversité biologique ont adopté un nouveau cadre mondial sur la biodiversité.
Attendu depuis quatre ans, il a fait l’objet d’intenses tractations entre une centaine de ministres. Les pays se sont donnés pour la première fois comme mission « d’enrayer et d’inverser le déclin de la biodiversité d’ici à 2030 ». Une mission que les Etats souhaitent accomplir à partir de 4 objectifs et de 23 cibles pour guider leur travail collectif ainsi que leurs engagements.
Les pays se donnent pour la première fois comme mission “d’enrayer et d’inverser le déclin de la biodiversité d’ici à 2030”. Une mission que les Etats souhaitent accomplir à partir de 4 objectifs et de 23 cibles pour guider leur travail collectif ainsi que leurs engagements. L’accord de Kunming-Montréal avance également des leviers à activer pour lancer les trois chantiers de la décennie pour la biodiversité : la protection d’aires terrestres, d’eau douce et de l’océan, la restauration d’écosystèmes dégradés et la transformation de secteurs destructeurs de la biodiversité. Le WWF se félicite de l’engagement des Etats à protéger d’ici 2030 au moins 30% des terres, des mers ainsi que des écosystèmes d’eau douce, côtiers et marins de la planète (cible 3 de l’accord). Si la protection d’espaces est indispensable, elle ne suffira pas et les Etats se sont aussi engagés à transformer des activités néfastes sur la nature en réduisant de moitié d’ici 2030 les risques associés aux pesticides (cible 7), à augmenter considérablement les pratiques agroécologiques respectueuses de la biodiversité (cible 10), à déployer des solutions fondées sur la nature pour réduire l’impact du réchauffement climatique sur la nature et aider nos sociétés à mieux résister à la montée des températures (cibles 8 et 11).
Marco LAMBERTINI, Directeur général du WWF International :
« Une performance de la part des négociateurs et une victoire pour les peuples et la planète. »
“C’est une performance que d’être parvenus à se mettre d’accord sur un objectif collectif à l’échelle mondiale pour enrayer et inverser la perte de biodiversité. Une performance de la part des négociateurs et une victoire pour les peuples et la planète. Cet accord envoie un signal clair et doit être une rampe de lancement pour les gouvernements, les entreprises et la société civile pour déployer un monde positif en nature, où il y aura en 2030 plus de nature qu’en 2020.”
Malgré des reculs et des impasses, un mandat clair pour lancer les chantiers de la décennie sur la biodiversité
L’accord adopté ce 19 décembre contient des impasses dont le WWF regrette que les Etats ne soient pas parvenus à un accord pour les retirer de l’accord final. En s’engageant à réduire à “près de zéro” la perte des écosystèmes hautement importants pour la biodiversité, les Etats acceptent, en creux, de perdre encore davantage de milieux naturels essentiels pour la biodiversité (cible 1). Cet objectif est non seulement incompatible avec l’ambition d’inverser la perte de biodiversité d’ici 2030, mais il contredit aussi les engagements récemment pris par les Etats, par exemple dans la lutte contre la déforestation à la COP26 de Glasgow.
A l’inverse, le WWF se félicite des corrections apportées à la dernière minute par les pays pour éviter un nouveau recul par rapport aux objectifs d’Aichi en matière de lutte contre l’extinction des espèces menacées (cible 4).
En dépit de ces reculs, l’accord pose les fondations des chantiers à lancer d’ici 2030 pour protéger la biodiversité : outre la protection des terres et des mers, l’accord engage les Etats à restaurer d’ici 2030 30% des terres, mers, cours d’eaux dégradés (cible 2).
Par ailleurs, après des négociations difficiles, l’accord fait l’impasse sur une réduction de moitié de l’empreinte sur la nature de la production et de la consommation. Ce en dépit des positions ambitieuses portées par la France et l’Union européenne à ce sujet. En attendant, plusieurs engagements de l’accord portent sur la transformation de secteurs et d’activités responsables de l’effondrement de la biodiversité comme l’agriculture ou la pêche (cibles 7, 10, 14), avançant timidement la réduction de l’empreinte mondiale de la consommation ainsi que la division par deux du gaspillage alimentaire. Le WWF appelle les Etats à les mettre en œuvre et à les compléter à domicile sans tarder pour s’attaquer à l’ensemble de l’empreinte des activités humaines sur la biodiversité.
Véronique ANDRIEUX, Directrice générale du WWF France :
« Après des tractations ministérielles intenses, ils nous apportent des gages pour réussir à protéger et restaurer la biodiversité d’ici 2030. »
“Il y a encore trois jours, on ne pouvait prendre les Etats au sérieux quand ils assuraient vouloir adopter un accord pour protéger la biodiversité. Ce soir, après des tractations ministérielles intenses, ils nous apportent des gages pour réussir à protéger et restaurer la biodiversité d’ici 2030 : leur engagement à protéger 30% des terres et des mers, à restaurer des écosystèmes dégradés, à réduire de 50% des risques de pesticides, ou encore à déployer des solutions fondées sur la nature. Tous les engagements vont nécessiter un suivi très étroit et le WWF appelle les Etats à se mobiliser au plus haut niveau dans les prochaines années pour redoubler d’efforts et accélérer leurs actions nationales pour la biodiversité.”
Un doublement des financements pour la nature et un suivi étroit à opérer
Maintenant l’accord adopté, les gouvernements doivent immédiatement renforcer leurs efforts pour mobiliser plus d’argent pour la biodiversité. A ce titre, le WWF salue la reconnaissance formelle, par les Etats, de l’écart de 700 milliards de financement par an à combler pour réussir à protéger la biodiversité, leur engagement à doubler les financements internationaux de toutes les sources – pour passer de 100 à 200 milliards et la cible indicative concernant la solidarité des pays du Nord vers le Sud pour les accompagner dans la mise en oeuvre de ces objectifs avec 20 milliards visés d’ici à 2025 (contre [5 à 10] aujourd’hui, selon les estimations). En particulier, le WWF salue l’engagement à éliminer ou réorienter d’ici 2030 au moins 500 milliards de dollars de dépenses publiques dommageables à la biodiversité.
Cet accord marque la différence par rapport aux précédents puisque les Etats se sont dotés d’un mécanisme de suivi, qui reste malheureusement trop faible puisque les pays sont invités à revoir leurs ambitions au fil de l’eau. Le WWF les appelle à passer dès demain à l’action et à la mise en œuvre. Les ministres européens se retrouvent justement dès demain en Conseil européen pour parler du futur règlement sur la restauration.
Pierre CANNET, Directeur du plaidoyer sur place à Montréal :
« Cet accord mondial pour la biodiversité ne casse pas la baraque mais vient au moins sauver les meubles. »
“Cet accord mondial pour la biodiversité ne casse pas la baraque mais vient au moins sauver les meubles. Les pays se sont donnés une nouvelle mission qui pourrait changer la donne en apportant à tous un cap clair pour la nature et les peuples. Pour la première fois des problèmes sont pointés du doigt – comme les pollutions des pesticides – et des solutions comme l’agroécologie sont avancées. Il faudra rester très mobilisés pour s’assurer que les pays les mettent en œuvre !”